Ton article est intéressant Iris, mais il mériterait à mon avis d'être plus étoffé. Je m'explique.
Ecrire, ce n'est pas juste aligner les signes sagement les uns après les autres sans interruption. Ils sont précédés des moments de préparation nécessaires à collecter l'information qui va servir en cours d'écriture. Ensuite, l'écriture elle-même n'est pas linéaire mais interrompues par diverses vérifications, il y a des passages que l'on efface car ils ne sont pas satisfaisants, des idées qui viennent et que l'on note quelque part pour y revenir plus tard car elles n'ont pas leur place de suite mais l'auront sans doute à un autre moment.
Ensuite, la faculté de se concentrer sur un sujet dépend de sa complexité intra et extrinsèque. S'il s'agit d'un sujet qui a nécessité beaucoup de recherches qu'il faut intégrer, le temps d'écriture est souvent rallongé. S'il s'agit d'un sujet qui a des liens avec beaucoup d'autres pans de la gamme, il faut sans cesse vérifier la cohérence avec les textes référents. Cela dépend aussi de son affinité pour le sujet traité, ou pour le passage en cours d'écriture : certains sont des voies obligées qu'il est nécessaire de traiter mais qui nous paraissent moins agréables à côté d'autres qui nous permettent d'exprimer très librement notre créativité.
Cela dépend aussi grandement du type de texte : ambiance (narratif), technique, background, scénario... Pour ma part, je suis mille fois plus productif sur mes nouvelles et les textes de background que sur des textes techniques ou, pire, des scénarios (je ne sais pas les écrire correctement). Jadis, j'ai pondu des tartines de textes techniques, mais j'avoue avoir de plus en plus de mal à en écrire, sans doute car je n'aime plus ça.
Cette faculté de concentration dépend également de la fatigue, de notre état d'esprit, des tâches restant à accomplir...
Concernant le nombre de signes, je peux produire de 5.000 à 14.000 signes environ au maximum après une journée de boulot et la gestion de deux charmants bambins. Après, c'est juste qu'il est minuit et que je ne peux plus continuer car il faut que je me lève à 6h45. Veiller plus tard que minuit m'est vraiment difficile (ce soir est une exception). Sinon, en journée pleine, je peux passer 7 heures maximum sur l'écriture, ce qui me permet de produire environ 30.000 signes. Je n'ai presque jamais dépassé ce seuil.
Ton rythme, Iris, me paraît quand même assez élevé et cela représente un travail vraiment conséquent. Il y a des moments où la fatigue et le perfectionnisme nous dépriment. Dans ce cas, je préconise de lâcher l'affaire un jour ou deux pour reconstituer sereinement ses forces pour mieux repartir ensuite à l'attaque.
Pour répondre à notre ami Absinthe quant à la notion de plaisir qu'il évoque, je pense que les choses sont plus complexes. Un écrivain comme George RR Martin qui a écrit des milliers et des milliers de pages s'est plaint de la difficulté que lui ont donné ces "chiennes de pages". Je pense que l'écriture est un mélange de plaisir et de souffrance, où l'on connaît des moments de grâce mais aussi où l'on contemple de fascinants abysses qui nous laissent sans force, le temps que l'on comprenne comment fabriquer les ponts pour les franchir. Je pense qu'il s'agit avant tout de travail, même si ce travail trouve sa source dans la passion et dans l'envie de faire aussi bien que tous les auteurs qui nous ont précédé et qui nous ont donné envie de nous mettre à écrire. Un très bon livre, pas simple, "de l'esthétique de la réception" de Jauss, traite ce sujet passionnant.
En tout cas, merci Iris pour tes articles, toujours intéressants.