[Recit] Bienvenue en enfer
Publié : 24 juil. 2012, 19:27
Après ma nouvelle sur le chevalier en prière, j'avais envie de qqch de moins introspectif. J'ai donc essayé un style purement descriptif, presque clinique.
Pour ce faire, j'ai repris un texte que j'avais initialement imaginé comme intro de scénar. Mes joueurs avaient bien apprécié alors je l'ai développé. L'idée était de leur présenter un maximum d'info sur la merde dans laquelle ils se trouvent: organisation des lieux, relations entre PNJs, ambiance générale, dangers potentiels ... Bien sur, les personnes dans la chariot à la fin de la nouvelle, ce sont les PJs.
Je réalise à présent que je fait référence à un PNJ dont les joueurs ne connaissent pas grand chose mais je pense que la description que j'en fait parle d'elle-même sans trop faire de révélations alors je laisse ça dans la partie publique.
Pour info le texte initial était plus court et je l'avais répété pour caler les passages importants sur la chanson "Breathe In" de Yodelice.
http://www.deezer.com/fr/music/yodelice/Cardioid-673241
ça n'a rien de médiéval mais je trouve que ça colle super bien à l'ambiance.
Pour ceux qui préfèrent un pdf mis en page:
Voir le Fichier : Bienvenue en Enfer v2
Bienvenue en Enfer
Le wagonnet lourdement chargé de pierres progresse lentement sur les rails. Un pas après l'autre, l'homme le pousse en prenant appuie sur les traverses. Ses bras tendus commencent à trembler sous l'effort alors qu'une douce fraicheur se fait sentir. Il est presque arrivé. Quand il débouche de la galerie il est accueilli par cette atmosphère étrange où brille un soleil radieux en même temps que tombe la pluie. « Le diable bat sa femme et marie sa fille » as-t-on coutume de dire … Il fait encore quelques mètres jusqu'à ce que le chariot arrive en fin de voie. Une butée déclenche automatiquement le basculement de la benne et le chargement se répand au sol. Alors qu'il s'apprête à repartir ses jambes le trahissent et il tombe assis, épuisé. Il ne ressent aucune douleur, c'est juste qu'elles semblent ne plus vouloir le porter. Hébété de fatigue, il reste là. Un garde portant une armure légère et armé d'un simple gourdin s'approche alors en faisant tournoyer une bourse en cuir par le lacet qui la tient fermée. L'homme retrouve le sourire. Tel un mendiant, il lève la main vers le garde qui défait le lien et entrouvre la bourse. Il ne prête pas attention au sourire narquois de son samaritain pas plus qu'à ses insultes. Il n'a d'yeux que pour la poudre jaune qui se déverse dans sa paume. Quand la bourse se referme, l'homme s'empresse de priser bruyamment sa maigre dose de gwilmine. Animé d'une vigueur retrouvée, il se relève et attrape une poignée du chariot puis repart vers l'entrée de la mine. Il ne jette même pas un regard au colosse devant lequel il venait de vider son chargement.
De son coté, le géant au crane rasé est en train de savourer la pluie, une simple pause bienvenue dans cette journée harassante. L'eau ruisselle sur son visage pour descendre sur son corps musculeux. Ce faisant, elle suit un trajet dessiné par d'épaisses spires violacées saillant à la surface de la peau. Elles partent du cou, du torse ou de son dos puis convergent vers son épaule droite. De là, c'est l'intégralité du bras qui présente un aspect hors du commun. Parcouru de nodosités semblables à celles d'un vieux tronc et d'une peau pareille à l'écorce, il fait en effet davantage penser à une plante imitant de façon grotesque un membre humain. Cela ne semble pourtant pas perturber l'un des gardes cinglant de son fouet l'aberration comme il l'aurait fait avec n'importe quel autre forçat rechignant à se remette au travail. Pour toute réponse, le géant empoigne de son étrange main une lourde masse et la dresse au dessus de sa tête comme si elle ne pesait rien. Il jette un rapide coup d'œil sur sa gauche et ce qu'il voit le dissuade toutefois d'assener le terrible coup qu'il s'apprêtait à infliger. Avec une force inouïe, il retourne sa colère et son imposant instrument contre le tas de pierres que l'on vient de jeter à ses pieds. Des éclats de roche partent dans toutes les directions mais parmi eux on distingue très clairement quelques pépites dorées qui accrochent la lumière du soleil.
Du haut de sa plateforme adossée à flanc de paroi rocheuse, le capitaine de la garde semble satisfait. Il redresse l'arbalète qu'il pointait nonchalamment en direction du colosse et reprend la mastication de la chique qui lui déforme la joue. Avec deux autres gardes également équipés d'armes de trait, il surplombe de quelques mètres le camp de travail installé à la sortie de la mine d'or. Concassage, tri et déblaiement sont exécutés par une quinzaine de bagnards sous la surveillance de quelques hommes en arme. L'approvisionnement en minerai est quant à lui assuré par les prisonniers affectés à la mine. Mais la joie de l'officier s'efface rapidement lorsque s'ouvre la porte d'un cabanon de bois installé à l'autre bout de l'esplanade. Pipe fumante à la bouche, un homme grand et sec en sort. Ses cheveux gris et ses rides trahissent un âge avancé tandis que son regard émerveillé et son large sourire dénotent une certaine joie de vivre qui ne peut être que malsaine dans un tel contexte. La pluie qui s'abat sur lui s'écoule sur son épais tablier de cuir et sur ses étranges instruments tranchants attachés à sa ceinture. Le long de son trajet, l'eau se teinte peu à peu de rouge pour finalement prendre la couleur du sang lorsqu'elle finie par goutter en bas du tablier. Depuis sa sortie, l'ambiance a changé parmi les forçats. Une tension s'est installée.
Celui qui se fait appeler Yvon Joern ne semble pas ignorer l'attention que lui porte le capitaine depuis sa plateforme. Ils s'échangent des regards mauvais qui se concluent d'un coté par un épais crachat marron et de l'autre par un nuage de fumée soufflé avec dédain. Le magientiste reporte son attention sur les prisonniers et, pointant le bec de sa pipe dans la direction de l'un d'eux, désigne son futur sujet d'expérience. Les épaules du malheureux s'affaissent comme si le ciel venait de lui tomber dessus et il lâche les outils qu'il tenait en main. Les deux gardes qui l'empoignent fermement agissent toutefois comme un électrochoc et l'infortuné se débat soudainement avec l'énergie du désespoir, hurlant et s'agitant en tous sens. Ses compagnons de bagne n'ont pour seul geste que celui de détourner le regard, quant aux gardes, ils le trainent aisément dans la boue jusqu'à l'entrée du laboratoire de fortune. Satisfait, Joern leur emboite le pas mais, juste avant d'entrer, marque une pause pour tapoter le foyer de sa pipe contre le chambranle de la porte et extraire le tabac encore incandescent. Ce n'est qu'à ce moment qu'il semble remarquer le chariot pénitentiaire arrêté à l'entrée du campement. Derrière des barreaux, il distingue quelques nouveaux visages aux traits tirés, aux regards effrayés. Mais il semble aussi déceler quelque chose de singulier chez certain d'entre-eux car il les observe bien plus longuement que n'importe quel autre nouvel arrivant. Finalement, un sourire encore plus franc se dessine sur son visage et il entre dans le cabanon en claquant la porte derrière lui.
Pour ce faire, j'ai repris un texte que j'avais initialement imaginé comme intro de scénar. Mes joueurs avaient bien apprécié alors je l'ai développé. L'idée était de leur présenter un maximum d'info sur la merde dans laquelle ils se trouvent: organisation des lieux, relations entre PNJs, ambiance générale, dangers potentiels ... Bien sur, les personnes dans la chariot à la fin de la nouvelle, ce sont les PJs.
Je réalise à présent que je fait référence à un PNJ dont les joueurs ne connaissent pas grand chose mais je pense que la description que j'en fait parle d'elle-même sans trop faire de révélations alors je laisse ça dans la partie publique.
Pour info le texte initial était plus court et je l'avais répété pour caler les passages importants sur la chanson "Breathe In" de Yodelice.
http://www.deezer.com/fr/music/yodelice/Cardioid-673241
ça n'a rien de médiéval mais je trouve que ça colle super bien à l'ambiance.
Pour ceux qui préfèrent un pdf mis en page:
Voir le Fichier : Bienvenue en Enfer v2
Bienvenue en Enfer
Le wagonnet lourdement chargé de pierres progresse lentement sur les rails. Un pas après l'autre, l'homme le pousse en prenant appuie sur les traverses. Ses bras tendus commencent à trembler sous l'effort alors qu'une douce fraicheur se fait sentir. Il est presque arrivé. Quand il débouche de la galerie il est accueilli par cette atmosphère étrange où brille un soleil radieux en même temps que tombe la pluie. « Le diable bat sa femme et marie sa fille » as-t-on coutume de dire … Il fait encore quelques mètres jusqu'à ce que le chariot arrive en fin de voie. Une butée déclenche automatiquement le basculement de la benne et le chargement se répand au sol. Alors qu'il s'apprête à repartir ses jambes le trahissent et il tombe assis, épuisé. Il ne ressent aucune douleur, c'est juste qu'elles semblent ne plus vouloir le porter. Hébété de fatigue, il reste là. Un garde portant une armure légère et armé d'un simple gourdin s'approche alors en faisant tournoyer une bourse en cuir par le lacet qui la tient fermée. L'homme retrouve le sourire. Tel un mendiant, il lève la main vers le garde qui défait le lien et entrouvre la bourse. Il ne prête pas attention au sourire narquois de son samaritain pas plus qu'à ses insultes. Il n'a d'yeux que pour la poudre jaune qui se déverse dans sa paume. Quand la bourse se referme, l'homme s'empresse de priser bruyamment sa maigre dose de gwilmine. Animé d'une vigueur retrouvée, il se relève et attrape une poignée du chariot puis repart vers l'entrée de la mine. Il ne jette même pas un regard au colosse devant lequel il venait de vider son chargement.
De son coté, le géant au crane rasé est en train de savourer la pluie, une simple pause bienvenue dans cette journée harassante. L'eau ruisselle sur son visage pour descendre sur son corps musculeux. Ce faisant, elle suit un trajet dessiné par d'épaisses spires violacées saillant à la surface de la peau. Elles partent du cou, du torse ou de son dos puis convergent vers son épaule droite. De là, c'est l'intégralité du bras qui présente un aspect hors du commun. Parcouru de nodosités semblables à celles d'un vieux tronc et d'une peau pareille à l'écorce, il fait en effet davantage penser à une plante imitant de façon grotesque un membre humain. Cela ne semble pourtant pas perturber l'un des gardes cinglant de son fouet l'aberration comme il l'aurait fait avec n'importe quel autre forçat rechignant à se remette au travail. Pour toute réponse, le géant empoigne de son étrange main une lourde masse et la dresse au dessus de sa tête comme si elle ne pesait rien. Il jette un rapide coup d'œil sur sa gauche et ce qu'il voit le dissuade toutefois d'assener le terrible coup qu'il s'apprêtait à infliger. Avec une force inouïe, il retourne sa colère et son imposant instrument contre le tas de pierres que l'on vient de jeter à ses pieds. Des éclats de roche partent dans toutes les directions mais parmi eux on distingue très clairement quelques pépites dorées qui accrochent la lumière du soleil.
Du haut de sa plateforme adossée à flanc de paroi rocheuse, le capitaine de la garde semble satisfait. Il redresse l'arbalète qu'il pointait nonchalamment en direction du colosse et reprend la mastication de la chique qui lui déforme la joue. Avec deux autres gardes également équipés d'armes de trait, il surplombe de quelques mètres le camp de travail installé à la sortie de la mine d'or. Concassage, tri et déblaiement sont exécutés par une quinzaine de bagnards sous la surveillance de quelques hommes en arme. L'approvisionnement en minerai est quant à lui assuré par les prisonniers affectés à la mine. Mais la joie de l'officier s'efface rapidement lorsque s'ouvre la porte d'un cabanon de bois installé à l'autre bout de l'esplanade. Pipe fumante à la bouche, un homme grand et sec en sort. Ses cheveux gris et ses rides trahissent un âge avancé tandis que son regard émerveillé et son large sourire dénotent une certaine joie de vivre qui ne peut être que malsaine dans un tel contexte. La pluie qui s'abat sur lui s'écoule sur son épais tablier de cuir et sur ses étranges instruments tranchants attachés à sa ceinture. Le long de son trajet, l'eau se teinte peu à peu de rouge pour finalement prendre la couleur du sang lorsqu'elle finie par goutter en bas du tablier. Depuis sa sortie, l'ambiance a changé parmi les forçats. Une tension s'est installée.
Celui qui se fait appeler Yvon Joern ne semble pas ignorer l'attention que lui porte le capitaine depuis sa plateforme. Ils s'échangent des regards mauvais qui se concluent d'un coté par un épais crachat marron et de l'autre par un nuage de fumée soufflé avec dédain. Le magientiste reporte son attention sur les prisonniers et, pointant le bec de sa pipe dans la direction de l'un d'eux, désigne son futur sujet d'expérience. Les épaules du malheureux s'affaissent comme si le ciel venait de lui tomber dessus et il lâche les outils qu'il tenait en main. Les deux gardes qui l'empoignent fermement agissent toutefois comme un électrochoc et l'infortuné se débat soudainement avec l'énergie du désespoir, hurlant et s'agitant en tous sens. Ses compagnons de bagne n'ont pour seul geste que celui de détourner le regard, quant aux gardes, ils le trainent aisément dans la boue jusqu'à l'entrée du laboratoire de fortune. Satisfait, Joern leur emboite le pas mais, juste avant d'entrer, marque une pause pour tapoter le foyer de sa pipe contre le chambranle de la porte et extraire le tabac encore incandescent. Ce n'est qu'à ce moment qu'il semble remarquer le chariot pénitentiaire arrêté à l'entrée du campement. Derrière des barreaux, il distingue quelques nouveaux visages aux traits tirés, aux regards effrayés. Mais il semble aussi déceler quelque chose de singulier chez certain d'entre-eux car il les observe bien plus longuement que n'importe quel autre nouvel arrivant. Finalement, un sourire encore plus franc se dessine sur son visage et il entre dans le cabanon en claquant la porte derrière lui.