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par Nico du dème de Naxos » 12 mars 2013, 20:57
Je plussoie Iris.
Un bon roman, à part pour quelques auteurs extrêmement prolifiques, ne s'écrit pas en 3-4 mois (bon Stendhal a écrit la Chartreuse de Parme en un seul petit mois...).
Il faut préparer méticuleusement la structure, voir comment les personnages vont interagir entre eux, s'assurer de la cohérence de l'intrigue interne et avec le reste de l'ensemble de ce qui a été publié pour la gamme. Puis il faut faire des choix narratifs, réfléchir à ce qu'on veut raconter et comment on va le raconter.
En ce qui me concerne, je me considère - à mon humble niveau s'entend - comme un conteur. J'aime avant tout raconter une histoire et soigner au maximum l'intrigue. Si je devais écrire un roman pour les OdE, je travaillerai une trame narrative touffue, complexe, avec des personnages tout en nuances, ménageant des rebondissements, des passages émotionnellement forts ; il y aurait des manigances, des trahisons et des complots. Les différents personnages seraient passablement malmenés...
J'avoue que j'admire profondément GRR Martin et son Trône de fer. J'ai dévoré les cinq premiers volumes de son heptalogie (ou octalogie si, comme il l'a laissé entendre, il se laisse aller à écrire un huitième opus pour sa saga). Et pour moi, le fond correspond vraiment à ce que je veux faire d'Esteren - du moins à un premier niveau, c'est à dire sans la couche de Secrets à venir...
Bon, je vous offre ici un petit bonus, les quelques paragraphes qui forment mon premier essai de roman - avorté, il va sans dire - pour les OdE :
Le castel avait connu tant d’aménagements successifs qu’il présentait au regard un aspect pour le moins étrange. Si l’unique préoccupation de tous les architectes qui s’étaient succédés avait été d’édifier un ouvrage défensif, il n’en restait pas moins qu’ils avaient eu chacun leur idée sur la question. Certains avaient privilégié les hautes murailles percées d’archères, d’autres les tours massives, d’autres encore les enfilades de portes fortifiées. Sans pour autant négliger la partie invisible, un vaste réseau de souterrains qui avait été aménagé dans la colline sur laquelle se tenait la forteresse.
Non, décidément, se disait Kaldrenh, le château n’est pas beau. On peut même dire qu’il est franchement laid ! Mais le principal est qu’il nous protège des feondas !
Le jeune homme se tenait au pied de la colline, à ses côtés trois gardes en gilets de cuir et cottes d’armes. Son regard courait le long des remparts, dont la monotonie était parfois brisée par l’avancée d’une tour ou d’une barbacane. Il connaissait cette vue par cœur, et elle ne lui procurait aucun plaisir particulier : mais c’était chez lui. Il hériterait du castel et du reste du domaine à la mort de son père. Ici, il se sentait en sécurité. Ce qui en soi était un luxe non négligeable.
Les habitants des villages proches vivaient dans la crainte permanente de voir un jour surgir les terribles feondas. Heureusement, les créatures ne s’étaient pas manifestées dans la région depuis une dizaine d’années. Les récits rapportant les destructions occasionnées dans d’autres parties du duché de Dùlan ne manquaient pourtant pas, et les résidents de la vallée de Lenden n’étaient pas près de relâcher leur vigilance. Ils se trouvaient fort chanceux de cette situation, ce dont ils remerciaient les C’maogh, les mystérieux esprits qui se dissimulaient dans la nature. Ils leur étaient également reconnaissants de leur avoir donné pour seigneur Arvor Mac Ailden, le père de Kaldrenh. Le comte Arvor savait être ferme lorsqu’il le fallait mais laissait souvent parler sa mansuétude naturelle, attitude ô combien étonnante chez un vassal de Torrach.
En effet, la loi était de fer en Dùlan, incarnée par le redoutable duc Làn Mac Torrach, un homme de confiance du roi de Taol-Kaer qui lui était directement apparenté. Premier fils de Dravid Mac Torrach, cousin germain du roi, Làn était haï de la majorité des habitants du duché placé sous son implacable férule. Aussi peu sensible qu’un boernac, sec et froid dans ses relations avec ses inférieurs hiérarchiques, il menait une politique fondée sur la terreur, qui donnait de très bons résultats. Le duché de Dùlan, ou plutôt l’homme à sa tête, recevait ainsi d’importants subsides réguliers de la part de sa gracieuse majesté Erald Mac Anweald. L’essentiel des fonds revenait aux soldats de l’armée régulière de Dùlan, qui, remarquablement équipés et confortablement nourris et logés, possédaient un moral d’acier. Et ainsi portés par une féroce bonne humeur qui puisait sa source dans les daols royaux, les soldats de Dùlan faisaient régner une justice qui ne souffrait pas d’exception.
Kaldrenh balaya du regard les trois hommes d’armes qui le veillaient constamment lors de ses sorties du castel. Solides gaillards choisis parmi les tous meilleurs soldats comtaux, ils étaient aussi habiles en tactique qu’au maniement de leurs armes, épée, hache, arc et dague. Pourtant, ils étaient très différents des hommes de l’armée régulière de Dùlan : l’usage de la force était pour eux le moyen de faire respecter les droits de chacun et non le corollaire d’un pouvoir presque total qui ne s’embarrassait pas de subtilités pour s’exprimer. Ils aimaient leur seigneur, leur terre et les gens qui y vivaient. Et c’était pour eux un honneur que d’arborer les armes des Mac Ailden sur leurs cottes.
Les trois hommes se tenaient de part et d’autre de Kaldrenh, prêts à faire face au moindre danger. Ils jetaient des regards scrutateurs autour d’eux, mais leur allure détendue démentait leur expression pleine de sévérité. Kaldrenh savait qu’à la moindre alerte il pouvait compter sur leur sang-froid et leurs réflexes exceptionnels. Les trois soldats étaient de plus d’excellents tacticiens, capables d’élaborer sur le vif une retraite rapide pour placer le fils de leur seigneur en sécurité. Fort heureusement, le jeune homme n’avait jamais eu à subir une telle situation et il espérait bien que le jour où sa vie serait directement menacée n’adviendrait jamais.
Pour lors, Kaldrenh jouissait des caresses du vent d’automne, confortablement emmitouflé dans sa chaude cape de laine. Il se tourna vers le nord, où il pouvait deviner au loin les pins centenaires de la forêt des soupirs, une bande ténue un peu plus foncée que le reste du paysage. Bénis étaient ces arbres qui lui masquaient ces fous de Gwidrites, qui ne juraient que par Soustraine et l’Unique et avaient osé attaquer Taol-Kaer. L’intrusion des soldats de Gwidre remontait peut-être à une cinquantaine d’années, mais le temps n’avait guère atténué la haine que les talkérides leur vouaient. Jusqu’au comte Arvor, pourtant un modéré parmi les sujets du roi Erald Mac Anweald, ne pouvait leur pardonner leur tentative avortée d’expansion sur le royaume de Reizh qui avait entraînée dans la mort tant d’hommes dans la fleur de l’âge. Certes il n’était qu’un tout jeune enfant lors de ces évènements tragiques, mais son père, le grand-père aujourd’hui décédé de Kaldrenh, ne s’était pas privé pour les lui relater longuement et entretenir ainsi son aversion pour les gwidrites.
Kaldrenh fut soudainement tiré de ses pensées par le puissant hennissement d’un cheval. Il leva la tête et aperçut un groupe de six cavaliers qui galopaient rapidement en direction du château. Ils étaient encore à un kilomètre de là où se tenaient Kaldrenh et les trois hommes d’armes, mais ils atteindraient leur hauteur d’en à peine une minute. Aussitôt les soldats firent reculer Kaldrenh et se tinrent prêts à riposter.
« Il ne sert à rien de s’inquiéter, messieurs. Il s’agit de mon oncle et de ses hommes.
- En effet messire, je reconnais maintenant les armes des mac Ailden sur leurs tuniques.
- Il me semble qu’au moins l’un des cavaliers ne les porte pas, ajouta un deuxième homme d’armes.
- C’est curieux… Je n’ai pas souvenir que mon oncle eût jamais été accompagné par d’autres que ses gens lors de ses précédentes visites. »
"La masse ténébreuse du Boischandelles se dressait contre l’horizon tel un mur de nuit. Derrière lui, les moutonnements sombres des collines se mêlaient aux vallées envahies par l’ombre." (
La Vieille Tour)