Cet échange me questionne sur la manière dont il faudrait mettre en évidence ces informations, notamment dans le Livre 0 ou dans le cadre d'un Kit de démo JDR tiré des Ombres.
Oui, c'est exactement là où je voulais en venir!
Le problème, c'est que certaines personnes ont une autre interprétation du mot "horreur". En fait, ce n'est pas de leur faute car nous utilisons une définition plus ancienne du mot. Aujourd'hui, pour beaucoup, horreur = gore. Ce n'est pas du tout le parti pris des Ombres. Il n'est pas étonnant que certains soient déçus.
Je me demande si ce n'est pas plus profond que ça... Je n'ai pas la science infuse, et seulement mon expérience et mon interprétations de quelques critiques lues ça et là depuis que je connais la gamme, mais je me demande si le sentiment qui ressort des critiques citées ne provient pas également de :
1) l'aspect "survie" du jeu, peut-être mal interprété
2) l'impression de prépondérance donnée aux féondas et à l'Aergewin dans la présentation et le background du jeu, et leur présence nettement moins importante dans l'époque du jeu et les scénarios officiels.
Concernant le second point, il vient d'une part de l'agencement même du livre 1 (tout débute par la quête de Wylard pour découvrir le secret des féondas, fléau de l'humanité), et d'autre part de la justification que ces éléments apportent à certaines factions : les démorthèn, les Hilderins et le temple, par exemple, ont littéralement consrtuit leur pouvoir et leur raison d'être sur l'Aergewin et les féondas.
Quant au contenu du livre 1, il parle souvent de ravages de cités entières par des hordes féondes (Kel-Loar, la capitale Gwidrite sauvée par Jamian...).
Enfin, l'existence et la raison d'être des varigaux (ainsi que leur utilisation, notamment dans le livre 2) et des Ronces met en lumière le danger du voyage dans la péninsule.
Tout cela mis ensemble peut donner une impression que les féondas sont partout, qu'aucune communauté n'est à l'abri, et que chaque voyage est potentiellement mortel à cause des horreurs que recèle la péninsule en dehors de ses fragiles îlots de civilisation, au premier rang desquelles figurent les féondas.
A mon avis, c'est ce sentiment-là que traduit la remarque suivante :
En gros, si tu sors des sentiers battus, c'est l'enfer qui s'abat sur toi.
Ce sentiment est assez en décalage avec les scénarios actuellement proposés par la gamme d'une part, et d'autre part l'existence d'un quotidien rassurant (même s'il est destiné à basculer dans l'indicible), d'où peut-être les critiques citées.
Or, cette contradiction apparente trouve sa réponse dans le background de la gamme, mais cette réponse pourrait peut-être davantage être mise en avant dans les présentations du jeu...
En effet, le quotidien effroyable et mortel décrit dans le livre 1 et suggéré par la raison d'être de nombreuses factions correspond à une autre époque que l'époque de jeu par défaut.
La période de jeu proposée correspond en fait à une fin d'âge d'or : la menace féonde a tellement diminué que cela a entraîné le déclin et la mutation plus ou moins heureuse des institutions qui s'était créées pour la contrer (démorthèn, Hilderins, ronces, Temple, varigaux, enfants de Neven, jusqu'à la protection des communautés "traditionnelles" : il suffit de voir l'état du Val de Dearg pour s'en convaincre...).
Le quotidien est devenu relativement rassurant, et des idées nouvelles et progressistes ont pu se développer grâce à cette sécurité relative (sciences, magience, ...).
Enfin, cette absence de menace extérieure immédiate, alliée aux mutations des institutions de la Péninsule, a entraîné la division de l'humanité. Et de cette division est venue la guerre... Mais même cette période de guerre est passée actuellement.
A ce sujet, la guerre du Temple est assez symptomatique : le Temple, dont l'implantation initiale en Gwidre a dépendu d'une lutte désespérée contre les féondas, est entré en guerre contre une autre nation humaine pour des motifs avant tout idéologiques et politiques, détruisant au passage de puissantes protections anti-féond à l'efficacité avérée (les cintarheids de Gwidre)... C'est dire ce que la menace féonde faisait partie des préoccupations collectives à ce moment-là.
Bref, la période de jeu proposée correspond à la courbe descendante d'une époque, et on sent que les prémisses d'une nouvelle ère se profilent, même si on ne sait pas encore dans quel sens le vent va souffler :
- soit la menace féonde va revenir en force, provoquant un nouvel Aergewin, ce qui surprendra l'humanité et soudera ses restes si elle survit
- soit la menace féonde ne revient pas, et les mutations humaines en cours se poursuivent (disparition des démorthèn, transformation des ronces en banquiers, déliquescence des Hilderins, politisation du Temple, âge d'or de la magience...)
C'est cela que le jeu propose "réellement" à mes yeux actuellement.
Quoi qu'il en soit, c'est peut-être la combinaison entre la trop grande mise en avant de la survie et des féondas d'une part, et d'autre part l'absence d'explication claire de ce contexte, qui peut entraîner certaines confusions, voire déceptions.
Présenter les choses de la façon suivante permettrait peut-être de davantage tenir compte de cet élément "monde en mutation" (peut-être aussi important que l'horrifique et le gothique):
Les Ombres d'Esteren propose au joueur de parcourir une Péninsule mystérieuse au tournant de son histoire. Les personnages devront trouver leur voie dans cette période fragile qui sépare deux ères, ces temps incertains qui oscillent entre le regret d'un passé qui s'étiole et l'espoir timide d'un futur qui n'en est qu'à ses balbutiements. De leurs choix dépendront leur destin, leur survie, et peut-être leur accomplissement dans ce monde au bord du changement.
Enfin, ce n'est qu'une suggestion.