Edition, JDR et romans aujourd'hui

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Nelyhann
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Edition, JDR et romans aujourd'hui

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Message par Nelyhann » 17 nov. 2014, 13:20

Je vous invite à écouter cet état des lieux de Jean-Luc Bizien sur le monde du roman. C'est très résumé et sans doute exagéré sur deux ou trois trucs mais très instructif : http://youtu.be/LBUloKCg4tc?t=57m10s

D'une manière générale c'est une table ronde très intéressante avec Ange, Jean-Luc Bizien, Jean-Phillipe Jaworski, John Lang et Pierre Pevel. Si vous avez le temps d'écouter ça, faîtes vous plaisir :)
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SeigneurAo
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Re: Edition, JDR et romans aujourd'hui

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Message par SeigneurAo » 17 nov. 2014, 14:47

Le constat de l'excès dans le nombre de livres édités est partagé par beaucoup de monde, et la rentrée littéraire n'est qu'un symptôme parmi d'autres permettant de le vérifier.
Je pense toutefois que si, il y a moins de lecteurs. Culturellement tout d'abord, ce n'est plus "tendance", et puis en effet peut-être marginalement une conséquence de la baisse du pouvoir d'achat, même si il ne faut pas simplifier à outrance : il parlait juste de convertir en francs le prix actuel d'un bouquin, alors qu'il faut bien sûr tenir compte de l'inflation, la comparer à l'augmentation des salaires, etc., bref tous les éléments qui permettent de mettre de parallèle un même produit à deux époques.

La distribution est un véritable scandale, tout comme le taux de roulement ridiculement élevé des œuvres en librairie, et l'usage intensif du pilon, rien moins qu'un fléau en termes économiques et écologiques (blanchir le papier, brûler de l'essence dans les fameux camions...).
C'est aggravé par un élément en soi très positif : tout le monde peut aujourd'hui écrire. Les moyens informatiques facilitent ce travail, et Internet rend également l'opportunité de se faire éditer plus réaliste pour un débutant. En auto-édition parfois, ou via... Amazon, évidemment ! Il permet à tout un chacun ou presque de vendre ses écrits, si tel est son choix, et c'est un immense progrès à mon sens, au moins du point de vue des auteurs.

Impossible de ne pas prendre en compte le géant de la vente en ligne.
Sur l'ensemble du commerce, et sur le marché du livre en particulier donc, Amazon dicte sa loi. Ils ont récemment acheté l'extension Internet ".book", ce qui fait -une fois encore, dirai-je- bondir les défenseurs des circuits "traditionnels".
Leurs volumes permettent des prix bas, leurs entrepôts et l'absence de loyers à payer sur des boutiques physiques renforçant cet avantage non-négligeable.
L'argent est bien souvent le nerf de la guerre mais, à titre personnel, sans nier que la décision d'achat se fonde au moins à moitié sur cet argument, je pense toutefois que les circuits historiques de distribution choisissent mal leurs combats.

Une parenthèse sur la récente loi "Anti-Amazon". Elle met fin à la gratuité des frais de port, et s'applique en théorie à tout le monde. Sauf que, ne nous leurrons pas, c'est Amazon qui est visé, personne n'est dupe d'ailleurs. Le lendemain du décret d'application, ils avaient répercuté l'effet sur leurs prix alors que, aux dernières nouvelles, la Fnac pour ne citer qu'elle traîne toujours des pieds, à des motifs divers, variés et souvent fallacieux : ça ne nous concerne pas parce que, même si on fait de la vente en ligne, on a des magasins physiques et d'ailleurs nos clients ont le choix de retirer leur achat fait sur Internet dans le magasin de leur choix ; ah oui mais vous comprenez, mettre notre Système d'Information à jour c'est complexe ; j'en passe et des meilleures.
D'autant que, si l'on compare la situation avant-après, quel est le bilan pour Amazon ? Sans que rien n'ait changé par ailleurs, ils peuvent maintenant facturer des frais de port, qui étaient auparavant offerts. Je reformule : ils vendent plus cher un produit, sans que leurs coûts de fonctionnement n'aient subi la moindre modification. Oui, vous avez bien compris, Amazon gagne davantage d'argent grâce à cette loi, pendant que l'acheteur paie plus cher. Et je ne pense pas que leurs chiffres de vente aient pâti de cette augmentation : elle est minime, et ils restent moins chers et plus pratiques qu'un déplacement chez le libraire dans la très grande majorité des cas.
Si cette loi a le moindre effet, c'est de rendre le livre moins attractif, alors qu'Amazon aurait plutôt tendance à le démocratiser par la disponibilité d'œuvres introuvables en librairie et les prix bas. Encore une preuve que légiférer sans réfléchir ne mène à rien.

Si je parle de cela, c'est qu'à mon sens, au lieu de faire du lobbying pour l'adoption de cette loi, les libraires indépendants (et dans une moindre mesure les grandes enseignes et la grande distribution) devraient se recentrer sur leur cœur de métier, et mettre en exergue leurs éléments de différenciation : mission de conseil, animations locales, dédicaces, clubs de lecture, sessions découverte de nouvelles œuvres, les idées ne manquent pas, autant de vecteurs d'attractivité qu'un site web ne peut concurrencer.
Ils ne peuvent lutter ni sur la diversité de l'offre proposée par Amazon, pour ses raisons logistiques évidentes, le stockage n'étant pas la moindre, ni sur le prix, en raison de leurs coûts de fonctionnement justement. Il est stupide de maintenir l'affrontement sur ce terrain, il faut impérativement l'emmener ailleurs.

Autre sujet d'actualité sur lequel les circuits traditionnels peinent à prendre une position raisonnable : le livre numérique.
Comme leurs confrères de l'industrie de la musique et du cinéma avant eux, ils sont en train d'adopter une posture de victime, de pleurnicher sur la fermeture des librairies de proximité, d'augmenter les prix et de demander des subventions pour compenser le spectre du piratage, plutôt que de lancer une réflexion de fond, constructive, sur la mutation de leur métier et les conséquences à en tirer.
Je ne prétends absolument pas que la situation soit facile, ni les solutions évidentes, mais l'attentisme actuel ne rend service à personne, ni les vendeurs ni les clients, ces derniers se voyant offrir moins de choix (pas au niveau du nombre de produits, mais des vendeurs disponibles).
On voit régulièrement le parallèle semi-humoristique, et pourtant totalement pertinent, avec les moines copistes contraints à la disparition par l'invention de l'imprimerie. S'adapter ou mourir.

Tout cela pour dire que la physionomie de la filière du livre évolue constamment, a fortiori ces dernières années du fait de modifications profondes, dans notre société et notre culture, et des progrès technologiques.
Le profil des lecteurs change également, leurs attentes et leurs moyens, ainsi que leurs modes de consommation (achat, comme lecture proprement dite).
La presse écrite est confrontée aux mêmes challenges, sauf que certains font les bons choix (Libération est en train d'opérer, avec succès, une reconversion numérique très heureuse et de qualité).
Dire que c'est uniquement la faute aux vilains lecteurs qui ne lisent plus, aux vilains distributeurs qui s'en mettent plein les poches, aux vilains pirates qui volent et aux mastodontes du commerce en ligne qui captent l'essentiel des ventes, c'est se mettre des œillères.
Bien sûr que tous ces éléments contribuent au problème, mais des solutions existent. Ce n'est pas toujours un remède miracle, ce n'est pas toujours facile à mettre en place, mais c'est toujours plus constructif que de se morfondre, blâmer les autres et attendre des aides qui ne sont rien d'autre que des perfusions pour un système mourant (demandez aux agriculteurs ce qu'ils en pensent).

Désolé pour le pavé mais le sujet est passionnant, et je suis ces questions de manière très régulière, donc ça donnait envie de réagir.

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SeigneurAo
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Re: Edition, JDR et romans aujourd'hui

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Message par SeigneurAo » 17 nov. 2014, 15:59

Ben tiens justement, pas plus tard que ce matin dans ma timeline Twitter :
http://lamatierenoire.net/fnac-comment- ... emporains/

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Elwe
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Re: Edition, JDR et romans aujourd'hui

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Message par Elwe » 17 nov. 2014, 16:28

Effectivement, c'est très instructif. Merci d'avoir posté la vidéo (et à SeigneurAo pour son commentaire).
"La seule chose que l'on peut décider est quoi faire du temps qui nous est imparti"
Gandalf, La Communauté de l'Anneau, J.R.R. Tolkien

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