Tout d'abord, je ne me pose pas vraiment la question de la fidélité historique, sachant dès le départ que deux des personnages principaux de la série (Ragnar et Lagertha) appartiennent largement plus à la légende qu'à l'histoire, et que leur existence est tout sauf certaine.
Ensuite, je n'ai pas vraiment eu les mêmes perceptions que toi de ce que j'ai vu, Jormungandr.
En effet...
- je n'ai pas perçu que les "vikings" de la série étaient dépeints comme un seul et unique peuple. Au contraire, j'ai plutôt eu l'impression qu'il y avait des nobles et roitelets un peu partout, sans réelle structure centralisée.
- Je n'ai pas vraiment perçu le paganisme nordique décrit dans la série comme se résumant à un cocktail de violence, de sexe et de drogue... Le fameux épisode 8 pourrait le faire penser, mais cet épisode s'attarde sur une seule et unique cérémonie, qui n'a pas la prétention d'être représentative de toute la religion nordique, et qui se révèle au final plus subtile qu'une simple orgie.
- je n'ai pas non plus ressenti les nordiques de cette série comme étant des brutes sales et arriérées. Au contraire, et ça fait du bien, j'ai eu le sentiment d'observer une autre culture, avec des codes moraux différents des nôtres, ce qui implique une autre lecture de ce que nous percevrions aujourd'hui comme de la violence, de l'immoralité ou de la stupidité.
Tout ça pour dire que, sans rentrer dans le débat de l'exactitude historique, j'ai eu une lecture différente de la tienne.
Pour répondre à Iris, maintenant : j'ai effectivement trouvé cette série très "réaliste", ce qui est différent de "historiquement exacte".
Par contre, mon explication de ce réalisme est beaucoup plus simple que la tienne et tient en trois éléments :
1) pas de surenchère!!! Malgré le fait que le thème des nordiques et les clichés qui vont avec sonnent comme une véritable invitation à alterner les scènes de sexe cru et brutal et les orgies de violence et de cruauté, la série parvient à éviter ces éceuil. Il y a bien sûr quelques scènes de sexe ou de violence, mais on sent qu'elles sont avant tout au service de l'histoire et de l'ambiance, et pas au service du racolage de l'audimat.
Pour le sexe, on évite donc les scènes aussi interminables que récurrentes, avec gros plans appuyés sur les seins, les fesses et le sexe de femmes démonstratives à l'excès. C'est sobre, c'est court, et souvent davantage suggéré que montré.
Pour la violence, même topo : pas de gros plans sur des décapitations, des énucléations et autre éclatages de boîtes crâniennes, pas de plans où le caméraman se sent obligé de coller sa caméra sur (et presque dans) des blessures qui s'ouvrent sur fond de hurlements d'agonie. C'est sobre, et au service de l'histoire, donc jamais inutile.
D'ailleurs, il est amusant de constater que certaines scènes suggérées m'ont semblé plus dures que des scènes ostensibles : la scène de la mise à mort d'un moine à coups de pied par Rollo (alors qu'on ne voit rien) m'a par exemple nettement plus "heurté" que "la" scène de l'épisode 8.
Dans les deux cas, c'est l'ouïe qui est utilisée : on entend des bruits atroces dans la première scène, alors que dans la deuxième tout est couvert par un chant aérien et mystique.
Enfin, il n'y a pas de surenchère non plus au niveau de la société et de l'habitat : pas de palais gigantesques, pas d'armées de 10.000 hommes, pas de royaumes super complexes et étendus comptant des centaines de milliers d'habitants.
Bref, j'ai trouvé le traitement de la série subtil et intelligent, avec une utilisation remarquable de la sobriété au service de l'ambiance.
2) Un traitement subtil, justement! En plus de ce que j'ai dit précedemment, le traitement du surnaturel et de la découverte culturelle est vraiment bien pensé : on a vraiment l'impression de "ressentir les choses" du point de vue d'un personnage, comme si "le récit était écrit à la première personne", alors que la série fonctionne clairement comme "un récit écrit à la troisième personne".
C'est bien simple, en ce qui me concerne, je n'ai trouvé cette approche (géniale à mes yeux) que dans Black Death, bien qu'elle soit encore plus poussée dans cette série (car Black Death est en réalité un "récit à la première personne").
3) la découverte d'une autre culture, différente de la nôtre, dans sa richesse et sa complexité, et tout ça de l'intérieur et à travers plusieurs points de vue différents.
Avec en bonus la reconstitution (qu'elle soit correcte ou pas historiquement) dans un style sobre mais chargé de symbolique et de mystique de lieux légendaires comme Uppsala ou Yggdrasil... Je dois avouer que j'étais comme un gosse à qui on vient d'annoncer qu'il pouvait se servir à loisir dans un magasin de bonbons devant ces passages.

Voilà tout ce qui, pour moi, constitue l'aspect "réaliste" de la série, ainsi que son attrait.
